Les soldats des grandes manœuvres chantent …

Jean Follain

Les soldats des grandes manœuvres chantent ; ils passent à travers un bourg, y entendent la voix de la jeune fille sans apercevoir ni robe ni corps. Les fossés s’assèchent, les greniers regorgent. Si la variété des uniformes diminue, beaucoup encore donnent du travail aux brodeuses dont la lumière électrique n’éclaire jamais les hanches et qui, voyant pour une première fois l’océan, s’exclamèrent ; dans les chambres qu’elles habitent poussent de petits champignons à même les plinthes ; à des enfants sur leurs genoux, elles apprennent la fable où vit au moins deux saisons la cigale qui au dire des naturalistes ne dure guère qu’un seul jour.

Soldiers on maneuvers sing …

Translated by Mary Feeney

Soldiers on maneuvers sing; they pass through a market town, catching the young lady’s voice but seeing neither dress nor body. Ditches are drying up, granaries bursting. While uniforms have grown less varied, there’s still plenty of work for the seamstresses whose hips electric light has never outlined, women who cried out the first time they saw the ocean. The rooms they live in have little mushrooms growing through the baseboards. To children on their laps these women teach the fable where the grasshopper lives at least two seasons, though naturalists claim it barely lasts a day.

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