“Écoutez, disent-ils, écoutez-moi …”

Jean Follain

« Écoutez, disent-ils, écoutez-moi, je ne vous le redirai pas deux fois. Chacun en prendra pour son grade et rira bien qui rira le dernier. » Ces gens qui crient ainsi en temps de paix deviennent parfois en temps de guerre des tortionnaires et cela avec une facilité merveilleuse. Mais comment les imaginer se couchant le soir, contents de leurs pectoraux, de leur sexe et de leur odeur ? Le lit gémit sous leur poids. Il y a un buis passé en travers la croix du Christ sur le mur. Ils savent compter. Aucune lettre de l’alphabet ne se dérobe à leur mémoire tenace. Quand ils s’assoient dans le fauteuil du coiffeur, le tranchant du rasoir effleure leur peau en caresse. Derrière eux, il y a la campagne, les chaumes, les ornières glacées. C’est aussi le filet à provisions à la main qu’il faut les voir le long des marchés. Si la guerre n’était pas venue, peut-être auraient-ils continué tout au plus à dire, d’une voix à briser les vitres, au cœur des saisons : « Je ne le redirai pas deux fois, chacun en prendra pour son grade. » Et tous eussent continué de rire à ces paroles faciles.

“Mark my words,” they say …

Translated by Mary Feeney

“Mark my words,” they say, “There will be payback and we’ll see who has the last laugh.” People who go on like that in peacetime may become torturers in time of war, and with marvelous ease. But how to imagine them going to bed at night, content with their pectoral muscles, their genitals, their own odor? The bed groans under their weight. There’s a palm frond stuck behind the crucifix on the wall. They know how to reckon. No letter of the alphabet escapes their sharp memory. When they sit in the barber’s chair, the skimming blade gives their skin a light caress. Behind them is the countryside, stubble fields, frozen wheel ruts. And then you should picture them strolling the outdoor market, string bag in hand. If war hadn’t come, maybe all they’d have done was to rumble on, “There will be payback, mark my words.” And everyone would have made light of this idle talk.

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