MOI

Quraishiyah Durbarry

Toujours je me suis considérée comme étrange, étrangère aux autres. Une spectatrice comme je le suis maintenant. Parmi les autres mais éloignée d’elles en même temps. J’étais tout le temps devant un écran où la vie des autres était comme un film se déroulant devant moi, ou plus précisément j’étais devant un immense aquarium où j’observais ces poissons qui ne se rendaient même pas compte de l’inutilité de leur vie, mangeant, chiant, procréant et puis mourant. Se demandaient-ils à quoi ils servaient ? J’oubliais souvent que j’étais moi aussi dans cet aquarium ! Je regardais, j’analysais, je décortiquais, j’essayais de comprendre mais où étais-je dans tout cela ? Je vivais comme elles. Comme elles, je me contentais du superficiel pour être heureuse, comme elles, je devais me dire que la vie, la vie de toute femme, était faite de telles choses, qu’il fallait me plier aux lois de la vie, à ces rôles de toute femme dictés par les hommes, ou pour ne pas faire trop cliché, disons par la société, ou par cette société faite par les hommes ! Ces lois qui ont été écrites quelque part... mais je n’ai jamais eu l’occasion privilégiée de voir ce manuscrit intitulé : Femme, ton rôle ! C’est ce qui me différenciait des autres. Elles, elles pouvaient suivre la musique parce qu’elles n’étaient pas torturées par l’injustice qui régissait leur vie. J’aurais aimé pouvoir accepter moi aussi, être aveugle et sourde comme elles et ne faire que suivre la musique sur laquelle elles trépignaient. Mais j’entendais une autre musique.

Ce n’est pas que je voulais à tout prix me différencier. J’ai essayé d’être comme les autres. De me ranger, de me caser. Combien de fois ai-je voulu me renier, être acceptée, être une femme « modèle » mais je n’y suis pas parvenue. Je ne pouvais m’empêcher de questionner ce que les autres disent être la vérité absolue. Combien de fois ai-je été faible. Oui, je parle de faiblesse, car j’ai voulu me jeter aux pieds de mes bourreaux, les supplier de m’accepter, de m’adopter dans leur société. Comme un automate, j’essayais, j’essaie d’intégrer, de m’assimiler, de ressembler aux autres, parce que moi aussi j’ai été programmée pour être le poisson de l’aquarium. Mais mon Moi prenait le dessus à chaque fois. Là, je souffrais mais au moins j’avais toujours l’estime de moi-même. Oui, je souffrais et n’y pouvais rien. Je souffrais d’être tout le temps seule, je souffrais d’être une marginale, de ne pas avoir quelqu’un pour partager ma tristesse ou ma joie. Mais, je n’ai jamais pu m’empêcher d’être moi-même. Je voulais faire de ma vie une acte de révolte comme je l’avais lu il y a si longtemps.

À dix ans, j’étais obsédée par la mort. Même aujourd’hui j’ai peur de l’obscurité absolue, où n’importe quelle bête peut vous tomber dessus, ou, pire, ramper jusqu’à vous ! C’est monstrueux de vivre, si ce n’est que pour mourir ! Et, rappel de la mort… Ce tic-tac qui n’en finissait pas ! L’heure, le temps, Chronos ne fait pas d’exception, il bouffe tout ! Ce tic-tac me tourmentait… J’ai commencé par jeter les montres qu’on m’attachait au poignet. Je ne pouvais expliquer pourquoi ! Et puis après une dizaine de montres perdues, mes parents se sont peut-être rendu compte que ce n’était pas la peine de m’en donner et donc, sans être complètement libérée, je m’étais au moins débarrassée de ce sentiment d’être continuellement poursuivie par ce monstre. Mais c’était un triomphe illusoire ! Mon adversaire était invincible, je ne pouvais encore le savoir ! Dans mon innocence, ce petit geste était suffisant car il me débarrassait de ma hantise.

Mon principal souci en grandissant n’a jamais été, comme pour mes copines, d’avoir des copains, de sortir, de s’amuser… J’essayais de transcender le néant. Mais ce faisant, je me perdais un peu plus. Je n’étais jamais présente là où j’étais. Comme maintenant, j’étais là autant qu’ailleurs. Mener une vie normale, j’en rêvais, mais aurais-je pu le faire ? Je cherchais ce je ne sais quoi qui aurait pu me répondre, qui aurait pu me permettre de me retrouver ! C’est comme ça que j’ai vécu, une absence de moi-même. Si vous me demandez de vous raconter ma vie d’enfance, d’adolescence je ne saurais quoi vous dire. C’est comme si je n’avais jamais eu d’enfance, comme si je n’avais jamais existé à cette époque. Peut-être que cette partie de ma vie était un effacement continuel où j’essayais en vain de m’intégrer à un système qui ne me reconnaissait point, à ce système qui toujours ne me reconnaît pas, et que d’ailleurs je n’ai jamais reconnu non plus. Vous pouvez bien sûr m’expliquer que c’est l’âge, que quand on est ado, on vit une période de crise identitaire et de tension interne, où la relation au corps change, où on se pose plein de questions, où on essaie de se faire accepter comme on est, vous pouvez me débiter tout le fatras scientifique. Mais qu’en est-il de mon enfance alors, et pourquoi proche de la trentaine je suis encore aussi perdue ?

Donc, je ne pourrai vous dire grand-chose sur ces périodes de ma vie qui se sont écoulées sans que moi-même je m’en aperçoive. Je n’avais pas de montre, c’est peut-être pour ça. Je réfléchissais aussi je crois, mais à quoi et pourquoi, je ne saurais vous répondre. Et ça ne m’a pas servi à grand-chose toutes ces questions existentielles, toutes ces théories de l’absurde, toutes ces lectures que j’ai faites essayant de trouver un quelconque chemin qui me guiderait dans ce labyrinthe. L’absurdité de la vie, je l’ai vécue, je la vis tous les jours. Et pour me retrouver, j’ai dû passer par ces volumes écrits par des hommes qui ne m’accordaient que quelques lignes, soit pas très élogieuses, soit trop élogieuses. L’éternelle insatisfaite comme vous le dites si bien, messieurs ! Je suis donc restée confinée, condamnée à me demander si vraiment tous mes tourments découlaient de mon envie d’un pénis, et « la » Minotaure est restée au fond de son gouffre. Peut-être est-ce mieux ainsi, me direzvous, que d’être assassinée par Thésée. Mais Thésée est venu. Plusieurs fois. Sauf qu’il n’a pas pu venir à bout de cette Minotaure et chaque fois il m’a laissée meurtrie dans mon coin et j’ai dû lécher mes blessures moi-même. Mes parents m’avaient beaucoup protégée. J’étais devenue grande alors. Je pouvais essuyer mes larmes moi-même. Mais je n’avais point d’épaule pour pleurer, personne pour me serrer dans ses bras en me disant « T’en fais pas. Tout va bien ! » Seule, seule, comme dans une tombe. Quelquefois la mort est si attendue qu’elle en deviendrait délivrance.

Don du ciel, je peux me vanter de ma beauté. Il n’y a pas un homme que j’aie rencontré qui ne soit tombé sous mon charme, et je le dis sans prétention ni fierté non plus, car souvent un ciel gris plane sur les joues roses. C’est peut-être à cause de ça que je n’ai jamais connu la joie.

Cela ne veut en aucun cas dire que je passais mon temps à bouder. Je pouvais sembler heureuse, je rigolais volontiers, dialoguais et riais aux éclats avec les autres. Je pouvais bien jouer la comédie mais la vraie joie, je ne la connaîtrais jamais. La joie qui anime Sim, Kawthur et Davina quand elles parlent de leurs enfants, je ne connaîtrais pas cela. J’ai préféré renier mon rôle. C’est la joie, c’est vrai, mais pour moi si c’est une joie réelle, qui apporte la plénitude, elle est quand même fondée sur la servitude, et je ne pourrai jamais m’effacer pour quelqu’un d’autre, même pas pour un enfant, encore moins pour un homme ! Pourquoi par exemple est-ce à la femme de chercher quoi préparer tous les jours ? Je refuse de prendre comme tâche principale quotidienne la cuisson. Je peux le faire pour moi si je vis seule, mais si je partage ma vie avec quelqu’un je ne vois rien d’anormal à ce que la tâche soit partagée. Mais dire ça à un homme serait pire que blasphémer ! L’homme mange aussi, pour ne pas dire il mange plus. Qui a inventé la connerie que l’amour d’un homme passe par son estomac. Et l’amour de la femme, alors, ça passe par où ?

Mais je vis en société. Et moi aussi, la peur de la solitude a fait que j’ai voulu me caser. J’ai moi aussi voulu de ce genre de vie qu’on appelle normal, avec deux enfants, un chien et un mari. Sous l’insistance des autres qui me considéraient comme une anomalie, j’ai cédé. Quand partout où vous allez on vous dit : tu dois te marier, pourquoi tu ne te maries pas ?, quand tous les voisins se sentent soudain concernés par votre avenir, quand les relations de loin, de très loin, viennent vous rendre visite seulement pour mettre un peu de sens dans votre petite tête écervelée, on arrête de se poser des questions et on préfère suivre. Quand on vous dit que c’est « mââââl » on préfère laisser de côté notre différence et suivre le troupeau, et donc j’ai essayé de faire « bêêêêê » comme tout le monde et je me suis, disons, casée, installée dans le moule. Mais je dois avouer que je me disais aussi que c’était la seule façon d’éteindre cette petite voix qui m’agaçait tout le temps. Et je me suis rangée. Bien sûr sous toutes les conditions nécessaires qui me permettraient de garder un peu de ma différence initiale. On vivrait à deux, donc on ferait tout à deux. Il a accepté. Puis après, il a tout renié. Et je me suis retrouvée, moi, avec mon rôle d’épouse. On peut avoir plein d’idéologies, se dire que l’on ne fera jamais telle ou telle chose, que l’on croit fortement à l’égalité et que notre liberté nous est primordiale, mais souvent ça ne marche pas comme ça dans la vraie vie. J’étais désormais prise dans cet engrenage, il me fallait accomplir ma tâche, il me fallait mener mon rôle jusqu’au bout. L’engrenage familial et sociétal s’était mis en marche et j’étais prise dans ses rouages. Et moi aussi je m’étais mise à tourner.

Je m’étais effacée, aux dépens d’un autre. Son plaisir devenait primordial, moi et mon plaisir passaient au rang inférieur, secondaire. C’est seulement quand il était comblé, que son estomac était rempli, au sens littéral et figuré, seulement à ce moment que je pouvais penser à moi ! Et je l’acceptais même par plaisir ! Je m’étais donnée au risque de m’anéantir, mais ça n’était pas suffisant. On en redemandait encore et encore.

Par amour je me disais. Mais je me suis rendu compte que tout ça n’était qu’une illusion d’optique. Je ne voyais que ses yeux, et pas mes mains qui s’écorchaient, littéralement et figurativement. Je m’étais complètement abaissée devant lui, j’avais écouté ce qu’il m’avait dit sans broncher, j’avais obéi moi aussi. Oui, je suis d’accord. Oui, tu as raison. Oui, je le ferai. J’ai dû me plier, dire ‘oui’ à tout ce qu’il voulait. Tu n’aimes pas ça, je ne le ferai plus ! Ça non ? Arrêter ! C’est promis ! Tu veux que je fasse cela… Je le ferai pour toi, je t’aime trop.

Ce n’était pas moi. Moi j’étais la fille qui se bagarrait, la non-conformiste, celle qui jetait à tous les vents les règles, les problèmes et qui souriait au jour nouveau malgré tous les coups de la vie. Mais l’amour ou la solitude ou la peur de la solitude ou l’envie d’un peu d’amour m’avaient rendue folle. Je ne savais plus quoi faire et à la fin, la vie avait eu raison de moi. J’étais prête à me courber pour un homme. Moi qui disais qu’aucun homme ne méritait mes larmes versais des torrents de larmes pour cet homme, à cause de cet homme. Le méritait-il ? Non. Aucun homme n’est digne des larmes d’une femme. Mais mon coeur l’avait choisi, pour le pire et pour le pire.

Et un beau jour, comme ça, parce que le moule me serrait trop, parce que l’eau de l’aquarium était devenue trop sale, parce que le miroir reflétait quelqu’un d’autre, j’ai remis mes verres. J’ai vu clair et j’ai tout quitté et j’ai tout détruit. Et je me suis reconstruite. Je rejoignais désormais le rang des marginalisées, des exclues de la société ! J’en étais déjà une théoriquement, désormais je l’incarnerais en pratique aussi.

Le regard de la société est porté sur les femmes, un homme peut tout se permettre et il ne sera jamais pointé du doigt. Mais une femme qui ne suit pas les normes, qui va à l’encontre des règles… J’oubliais, pour les hommes il n’y a même pas de règles, pour cette femme tout est déjà terminé. Vivre lui sera dorénavant interdit ! Et donc je me retrouvais là, rejetée par tous parce que j’avais commis une aberration, j’avais transgressé et donc on allait me punir. Et on me punissait. Maintenant seule, je fais le tour pour chercher un peu d’amour, pour chercher un peu de chaleur, pour remplir un peu de solitude. Ils sont beaucoup à m’approcher, à me prendre dans leurs bras pour deux minutes, mais mon passé est trop lourd selon eux pour qu’ils me retiennent, pourtant je n’ai rien fait de mal, n’est-ce pas ? Ou est-ce seulement mon opinion ? Et les hommes sont venus. Non pas pour partager mon avenir. À chaque fois ils me prenaient un peu de mon présent et je restais là, vide de toute substance, mais avec un passé qui pesait de plus en plus jour après jour ! Je déprime quelquefois, aussi drôle que ça puisse paraître !

Je sentais désormais la solitude me peser, m’étouffer, me tuer. J’allais mourir de ce vide, j’allais mourir dans ce vide. On m’avait brisée tant de fois que recoller les morceaux était désormais impossible. Si je paraissais intacte de vue, mon âme était atteinte, et se traînait désormais à mes pieds. Et donc moi aussi, comme les autres, j’aurais préféré me tuer pour pouvoir vivre.

On l’a dit et j’y crois : une femme a autant besoin d’un homme qu’un poisson d’une bicyclette ! Et je me dis que si j’étais un poisson, j’aurais probablement eu besoin de cette bicyclette ! Je n’étais ni lesbienne, ni bisexuelle, ce qui m’aurait épargné bien des peines.

Inconsciemment je tourne la tête vers mon portable. Un message que je n’ai pas pris la peine de lire. Ce soir je suis loin d’être seule, autrefois un tel message m’aurait ramenée du néant, m’aurait sauvée de Chronos. J’espérais chaque fois que ce serait le bon. Mes yeux scintillaient, encore éblouis par les premières attirances. Celui qui allait me libérer, me comprendre et me guider vers l’épanouissement. Celui dont l’amour me donnerait des ailes pour que je m’envole et qui ne me pèserait pas comme un fardeau pour me faire m’écrouler sous le poids de sa personne. Je voulais qu’il soit le bon ! Pour que j’arrête de courir. Pour que je me repose enfin. Pour que je n’aie plus à brandir « ET MOI ! Et moi ! » On propose, Dieu dispose. Ou plutôt on propose et les autres disposent, et c’est un calvaire s’ils ne sont pas à notre disposition.

Faiblesse : j’allais tout faire, vraiment tout pour que ça marche ! C’est ce que je me disais, à chaque fois. Reprise après reprise, un film qui ne se terminait pas. J’ai chanté moi aussi : « Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas ! »… Une centaine de fois, dans tous les tons possibles. Pour ne pas vivre seule ! Je l’aimais à ce point, ou j’avais besoin de lui à ce point ? A ce point où j’étais arrivée, même la plus petite lueur d’espoir aurait été comme un phare et à chaque fois on me montrait un soleil. Et j’y croyais. Parce que je le voulais. J’y croirai. Parce que je le veux. Pas naïve, mais désespérée. Pour que ma vie retrouve un peu de sens. Pour que ma vie aussi soit un film où tout est beau, où on peut croire à tout. Une relation où il y a du surréel. Là je me sens un peu comme Cendrillon dans ce bal où elle était entrée par subterfuge, en se déguisant. Je vis un prétendu conte de fées mais les éléments du réel se mélangent subtilement à la fiction. La magie va terminer bientôt car je n’ai que jusqu’à minuit pour faire durer ce bonheur éphémère. Je suis là au milieu d’une mer démontée et je dois nager vers la plage. Je ne sais pas nager, pas encore.

Mes genoux tremblent. La solitude me pénètre les os. Bientôt trente ans. Peut-être que moi aussi… je devrais apprendre à m’effacer, à être comme les autres, à agir comme tout le monde ! Ne point réfléchir, accepter seulement ! Sans honte, parce que je n’aurais plus le choix. Pitoyable car il serait mon dernier espoir et j’aurais tout fait pour qu’il me sauve, pour qu’il me tende la main et qu’il arrête ma chute isolée.

Je m’imagine dans cinq ans encore : je mourrai. Je mourrai enfin car je n’aurai plus le courage de me battre, je n’aurai plus ce feu de révolte qui m’allumait jadis. Les évènements m’éteindront. Je n’aurai plus le courage de m’assembler. Déjà je deviens de plus en plus faible. Trop d’hommes pour une vie, on me désocialisera (si on ne l’a pas déjà fait !) L’homme a le droit d’accumuler femme après femme. Cependant je suis la femme et donc je dois être jugée et condamnée. Leurs conquêtes s’ajoutent à leur palmarès dans lequel il y a mon nom maintenant. Mes déceptions s’ajoutent à ma souillure et tous les parfums du monde n’enlèveront plus cette odeur de ma main, de mon corps, de ma personne. Comme Lady Macbeth, comme Blanche, je suis contrainte de me laver pour devenir propre, me laver jusqu’à l’âme. Mais c’est quoi déjà mon péché ? Ma punition ?

J’ai le choix. Joug ou liberté ? Un amour sans contraintes. Je veux des ailes. Certains oiseaux volent en nuée. Celles qui choisissent une autre voie survolent seules l’azur.

Mes yeux sont ouverts mais je ne vois plus, j’ai laissé endormir mes sens, je ne me pose plus de questions. Pour le moment je ne suis pas seule et je mourrai avec l’idée, peutêtre fausse, d’avoir été aimée. J’espère mourir vite. Maintenant serait un bon moment. Loin de tout. Loin du jugement, loin des regards. Et je marche sur la toile d’araignée que j’ai tissée, sur la pointe des pieds, essayant, priant, pour que cette fois-ci les mailles soient solides. Si ma vie continue, il faudra me questionner moi-même encore et encore, et questionner les autres aussi, et je ne pourrai plus le faire sans perdre la tête. Mes options sont minimes à ce que j’en déduis : finir folle ou finir seule ou folle et seule ou seule et folle ! M’oublier ! Me tourner vers les autres ! C’est plus facile ….

Vers les autres qui ont encore des rêves, et qui attendent, qui espèrent, qui peuvent se permettre d’espérer des lendemains heureux. Justement Meenaxshee emballe ses cadeaux. C’est ça qu’on est venues fêter. Le mariage de Meenaxshee la semaine prochaine. Elle est venue enterrer son célibat… et plein de choses encore !

ME

translated by Vasantha Sambamurti

I’ve always considered myself strange, a stranger amongst others. A spectator, as I am now. Among the rest but far from them at the same time. Always in front of a screen where others’ lives unraveled before me like a movie, or, more precisely, in front of a large aquarium where I observed fish that never considered the uselessness of their lives, eating, shitting, procreating, dying. Who do I serve? they’d wonder. I often forget that I’m also in this aquarium. I’d watch, analyze, dissect, trying to understand but wonder where was I in all this? I lived like them. Like them, I sated myself with shallowness to be happy, like them I told myself about life, the life of all women, made up of things such that I had to bend to its laws, to the feminine roles dictated by men, or, at the risk of sounding cliché, dictated by a society made by men. They’d written these laws somewhere, but I never had the privilege of seeing a manuscript entitled: Woman, your place! In this way, I was different. The others, they can follow the music because they’ve never been tormented by the rule of injustice over their lives. I wish I could’ve accepted the same, been sightless and deaf like them, never failing to follow the music they stumbled along to. But, I listened to a different music.

It’s not that I wanted want to be different at all costs. I tried to blend in. To tidy up, to settle down. How many times had I denied myself, wanting to be accepted, wanting to be an “ideal” woman, an ideal I could never achieve. I couldn’t help but question whether the others were telling the absolute truth. How many times I had been weak. Yes, I’m talking about true weakness, because I wanted to throw myself at the feet of my executioners, beg them to take me, to adopt me into their world. Like a robot, I tried, I tried to integrate, to assimilate, to mimic them, because, I, too, was programmed to be a fish in an aquarium. But every time my ego took over. Though I suffered I, at least, knew my worth. Yes, I suffered and I couldn’t help it. I suffered from being perpetually alone, I suffered from being a marginal being, from having no one to share in my sadness or my joy. But, I couldn’t help but be myself. I wanted to make my life an act of rebellion, like the kind I’d read about for so long.

When I was ten I was obsessed with death. Even today, I’m afraid of absolute obscurity, where any monster can drop on you or, worse, crawl on you! It’s monstrous to live if only to die. And death …. This endless ticking! The ticking torments me … The hours, time …. Chronos makes no exception, he consumes all! The ticking torments. I started throwing away every watch fixed to my wrist. I couldn’t explain why! And, sure enough, after a dozen lost watches, my parents figured it wasn’t worth the pain of getting me more. So, despite a lack of complete freedom, I had at least quelled the feeling of being constantly pursued by the time-monster. But, it was an illusory triumph. My enemy was invincible, I couldn’t know it. In my innocence, this small gesture was enough, because it rid me of my haunting.

Growing up, my main worry was never, as it was for my girlfriends, to have friends, to go out, have fun … I was trying to transcend nothingness. But, in doing so, I lost myself a little more. I was never present wherever I was. Like now, I could be there as much as anywhere. I dreamt of leading a normal life, but could I do it? I searched for this je ne sais quoi which could’ve been the answer, could’ve permitted me to find myself. That’s how I lived, in absence of myself. If you asked me to tell you about my childhood, adolescence, I wouldn’t know what to say. It’s as if I’d never had a childhood, as if I’d never existed in that period. Maybe that certain part of my life was a continuous erasure in which I tried in vain to integrate myself to a system that didn’t recognize me, a system that I never recognized either. You could of course explain it away as age, say that when you’re a teen, you endure a phase of identity crisis and inner tension, where your relationship to your body shifts, where you ask yourself lots of questions, where you try to be accepted as you are, you can spout all that scientific junk. But what about my childhood then, and why, as I approach my thirties, do I still feel so lost?

So, I can’t tell you much about these periods in my life that passed without my attention. I didn’t have a watch so, maybe that’s why. I think I was thinking, but about what or why I couldn’t tell you. And it didn’t help me — all these existential questions, all these theories of the absurd, all the readings I did trying to find any path that would guide me through this maze. The absurdity of life — I lived it, I live it everyday. And to find myself, I had to sift through volumes written by men who’d only given me a few lines, either completely unflattering or overly so. Eternal dissatisfaction, as you say so well, gentlemen! So, I remain confined, condemned to asked myself if all my torments actually stem from my ultimate desire for a penis, The Lady Minotaur rests at the bottom of her abyss. You might say, perhaps, it’s better this way, better than being murdered by Theseus. But Theseus came. Several times. Except that he couldn’t get rid of this Minotaur and, each time, he left me bloodied in my corner, leaving me to lick my wounds alone. My parents had sheltered me a lot. I had grown up by then. I could wipe my own tears. But I didn’t have a shoulder to cry on, no one who’d hug me and say, “Don’t worry. It’s all right!” Alone, alone, as if in a grave. Sometimes, death is so anticipated it becomes deliverance.

A gift from heaven, I can brag about my beauty. There isn’t a man I have met that hasn’t fallen under my spell, and I say this without pretense or pride, because often a grey aspect hovers above such rosy cheeks. Maybe that’s why I’ve never known joy.

This isn’t to say I spent my time sulking. I could look happy, I could laugh on my own, talk and joke with the rest. I could stage an act but I could never know true joy. The joy that animates Sim, Kawthur and Davina when they talk about their kids, I’ll never understand. I preferred to reject my role. There’s joy, it’s true, but, for me, if it’s a true, fulfilling joy, it’s still based in servitude, and I could never forfeit myself for someone else, not even for a child, let alone a man! Why, for instance, is it up to women to figure out what to cook everyday? I refuse to claim cooking as my primary role. If living alone, I can do it for myself, but, if I’m sharing my life with someone I see nothing wrong with sharing the task. But saying that to a man would be worse than blasphemy! Men also eat, which isn’t to say they eat more. Who invented the bullshit that a man’s love passes through his stomach. Then, a woman’s love passes through where, exactly?

Alas, I live in society. And the fear of solitude compelled me to settle down. I, too, wanted the genre of life they called “normal,” with two kids, a husband, a dog. At others’ insistence I gave in. When, everywhere you go, you’re told: you have to get married, why aren’t you married? when all the neighbors suddenly feel concerned about your future, when relatives from far, far away come to visit only to knock some sense into your scattered little brain, you stop asking questions and get in line. When someone tells you something’s BAD you put aside your differences and follow the herd, so I tried to floooooow with the rest and I, let’s say, fit in, filled a mold. But I admit, I told myself it was the only way to squash the annoying voice in my head. So, I settled down. Under all the conditions conducive for maintaining a piece of my initial difference, of course. We lived together so we’d do everything together. He agreed. Then, afterwards, he took it back. And then I found myself stuck as a wife. You can have as many ideologies as you want, you can tell yourself you’ll never do this or that, that you’ll fight for equality because your freedom is important to you, but, often, it doesn’t work out like that. I was caught in a spiral, I had to accomplish what I signed up for, see my place through, to the end. The familial and societal machinery was set in motion, it caught me. And I, too, had started to spiral.

I had erased myself for someone else. His pleasure became primary; mine, secondary. Only when he was full, when his appetite was fed, literally and figuratively, only then could I think of myself. I even accepted it with a smile on my face. I had given myself, at risk to myself, but it wasn’t enough. They always wanted more and more.

It was out of love, I thought. But, I realized it was all a mirage. I could only see his eyes, never my hands which were, literally and figuratively, always shaking. I had completely bowed before him, had listened to him without flinching, had obeyed. Yes, I agree. Yes, you’re right. Yes, I will. I had to bend, always say “yes.” Oh, you didn’t like that? I won’t do it again. Not this either? Stop it! Yes, I promise. You want this? I’ll do it for you, I love you too much.

It wasn’t me. I was the rebel girl, the non-conformist, who tossed everything to the wind and smiled in the face of a new day, despite life’s blows. But love, or loneliness, or the fear of loneliness, or the desire for a little love had driven me insane. I didn’t know what to do anymore and, ultimately, life had taken its toll on me. I was ready to bend backwards for a man. Me, the one who said no man deserves my tears, but shed torrents of tears for one man, because of one man. Did he deserve it? No. No man is worthy of a woman’s tears. But my heart had chosen him, for worse and worse.

And, one fine day, just like that, because the mold was too tight, because water in the aquarium had gotten too dirty, because the mirror reflected someone else, I put my glasses back on. I saw clearly that I had left everything, that I had destroyed everything. And I rebuilt myself. I joined the ranks of the marginalized, the outcasts. I was already an outcast in theory but, now, I would embody one in practice.

From the way society views women, a man can get away with anything and he’ll never be singled out. But for a woman who doesn’t follow the norm, who goes against the grain … I forget, men have no rules, but for a woman everything’s already over. Living’s forbidden! There I was, a reject for of my transgression, ready for punishment. And I was punished. Now alone, I go around looking for a little affection, for a little warmth, for a little solitude. There’s no shortage of admirers, they’ll take me in their arms for two minutes, but I have too much baggage for them to hold me longer. But, I’ve done nothing wrong, right? Or is that just me? The men came. Not to share my future. Each time they a took a piece of my present, leaving me there, empty of all substance, but with baggage that grew heavier and heavier with each passing day. As weird as it sounds, sometimes, I got depressed!

I could now feel the weight of loneliness suffocating me, killing me. I was going to die of emptiness. I had been shattered so many times that putting the pieces back together wasn’t possible. Even if I appeared alright, my soul was bruised, dragging at my feet. Like anyone else, I would’ve liked to kill myself in order to live.

It’s been said, rightly, I think: a woman needs a man like a fish needs a bicycle. But, I tell myself, if I were a fish, I would’ve probably needed the bicycle. I wasn’t a lesbian or bi; both would’ve saved me the trouble.

I unconsciously turn my head to my phone. A message I didn’t bother to read. Tonight, I’m far from being alone; in the past this kind of message would’ve returned me from nothingness, would’ve rescued me from Chronos. Each time, I hoped they would be the one. My eyes sparkled, dazzled by initial attraction. The one who would liberate me, who would understand me and lead me to fulfillment. The one whose love would lend me wings to soar away, who wouldn’t hold me down to collapse under his weight. I wanted him to be the one! To stop running. To finally rest. So that I wouldn’t have brand myself with, “Look at ME! ME!” We propose, God disposes. Or rather, we propose and others dispose, and it’s an ordeal if they’re not at our disposal.

Weakness: I was going to do everything, really everything to make it work. Every time, that’s what I told myself. Replay after replay, a never-ending movie. Like Jacques Brel, I too sang: “Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas!” Don’t leave me! Please, don’t leave me … a hundred times, in every possible tone. To not be alone! Did I love him too much or did I need him too much? At the point I’d reached, even the smallest glimmer of hope would’ve been a beacon, each revolution revealing a new sun. And I believed it. Because I wanted to. I will believe it. Because I want to. Not naively but desperately. So, my life regains some sense. So, my life becomes a movie where everything is beautiful, where you can believe everything. A surreal relationship. I felt, then, a bit like Cinderella, at the ball she entered by deceit, by disguising herself. I’m living a pretend fairy tale, but pieces of reality are subtly mixed with fiction. The magic will soon end because I’ve only got till midnight to make this ephemeral joy last. I’m in the midst of a stormy sea and I have to swim to land. I don’t know how to swim, not yet.

My knees tremble. Solitude penetrates my bones. I’m almost thirty. Maybe I …I too should learn to fade away like the rest, be like them, act like them. No use in thinking, just take it! Shamelessly, because I wouldn’t have a choice anymore. Pitiful because he was my last hope, and I would’ve done anything to be saved, to reach out to him and suspend my lonely fall.

I imagine myself five years from now; dead. Finally, dead, because I’ll no longer have the courage to fight, no longer have the revolutionary fire which once lit me. The currents will extinguish me. I won’t have the courage to get it together. Already, I grow weaker and weaker. Too many men for one life, I’ll be de-socialized (if I’m not already!). Man can collect woman after woman. However, as the woman, I’m judged, condemned. Their conquests are added to their ledger of accomplishments, where my name is now. My deceit adds to my defilement and all the perfumes in the world can’t remove this stench from my hand, my body, my person. Like Lady MacBeth, like Blanche, I’m forced to scrub myself clean, to scrub myself to the soul. But what’s my sin again? My punishment?

I have a choice. Freedom or the axe? An unhindered love. I want wings. Some birds fly in clouds. Those who choose another path fly alone over the blue.

My eyes are open but I can no longer see, I let my senses fall asleep, I don’t ask myself any more questions. For the moment, I’m not alone, and I will die with the idea, perhaps false, of having been loved. I hope to die soon. Now would be good. Away from everything. Away from judgement, away from the eyes. And I walk on the spider’s web I have woven, tip-toeing, willing, praying, that, this time, the stitches will stay strong. If my life goes on, I’ll have to question myself again and again, and question the others too, and I won’t be able to do it without losing my mind. As far as I can tell, my options are limited: end up crazy, or end up alone, or end up crazy and alone, or alone and crazy! Forget myself! Lean on others! It’s easier …

Back to the rest who still dream, who still wait, and hope, who can afford to hope for a better tomorrow. Just like this, Meenaxshee packs up her gifts. It’s this we’ve come to celebrate. Meenaxshee’s wedding next week. She came to bury her bachelor days … and a whole lot more!

 

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