“Écoutez, disent-ils, écoutez-moi …”
« Écoutez, disent-ils, écoutez-moi, je ne vous le redirai pas deux fois. Chacun en prendra pour son grade et rira bien qui rira le dernier. » Ces gens qui crient ainsi en temps de paix deviennent parfois en temps de guerre des tortionnaires et cela avec une facilité merveilleuse. Mais comment les imaginer se couchant le soir, contents de leurs pectoraux, de leur sexe et de leur odeur ? Le lit gémit sous leur poids. Il y a un buis passé en travers la croix du Christ sur le mur. Ils savent compter. Aucune lettre de l’alphabet ne se dérobe à leur mémoire tenace. Quand ils s’assoient dans le fauteuil du coiffeur, le tranchant du rasoir effleure leur peau en caresse. Derrière eux, il y a la campagne, les chaumes, les ornières glacées. C’est aussi le filet à provisions à la main qu’il faut les voir le long des marchés. Si la guerre n’était pas venue, peut-être auraient-ils continué tout au plus à dire, d’une voix à briser les vitres, au cœur des saisons : « Je ne le redirai pas deux fois, chacun en prendra pour son grade. » Et tous eussent continué de rire à ces paroles faciles.